L’entraide pénale internationale, un outil qui impacte les systèmes judiciaires des États du Sahel
Une note rédigée avec la contribution de Loïc Guérin, expert juridique du projet BEPI
La coopération judiciaire permet à un État A, l’État requérant, de faire exécuter la décision de ses autorités judiciaires par celles d’un État B, l’État requis. Cette coopération est fondée sur un engagement de réciprocité ou sur un instrument juridique qui peut prendre la forme d’un traité, d’une convention ou d’un agrément.
L’entraide pénale internationale comment ça marche ?
La coopération judiciaire conduit l’État requis à exercer sa souveraineté au profit de celle de l’État requérant en acceptant d’exécuter la décision de l’autorité judiciaire étrangère. Conséquence directe de la réticence des États à se départir d’une compétence régalienne, rares sont les instruments dans lesquels les relations d’autorité judiciaire à autorité judiciaire sont la règle.
La technicité de la matière, les impératifs de temps, de traçabilité, mais aussi de contrôle sur le contenu des demandes, ont conduit à dégager la notion d’autorité centrale (AC) de l’entraide pénale. L’autorité centrale, placée généralement au sein du Ministère de la Justice, est le point de passage obligé* des demandes de coopération judiciaire entrantes ou sortantes. (*sauf urgence)
Peut-on se transmettre toutes les informations en matière d’entraide judiciaire pénale ? Existe-il des limites ?
Les accords de coopération judiciaire entre États contiennent des dispositions qui visent à protéger soit ce que l’État estime être des principes fondamentaux, soit ses intérêts en terme de sécurité, défense nationale, etc.
La défense des principes fondamentaux peut conduire à refuser d’exécuter une demande qui serait émise à des fins politiques, ou fondée sur des discriminations de race, de religion ou de sexe.
La protection des intérêts d’un État commence par celle de ses nationaux et peut se traduire par la faculté, par exemple, de refuser leur extradition. Au-delà, elle peut se manifester par la possibilité de refuser l’exécution de demandes qui toucheraient au domaine fiscal ou au secret bancaire.
Dans le domaine de la sécurité, les États ont inséré des « garde-fous » qui concernent par exemple, la protection du secret défense, le risque de trouble à l’ordre public qui pourrait résulter de l’exécution de la demande.
Si un État s’engage à coopérer par convention, il ne s’engage pas à coopérer dans tous les cas. Lorsqu’il exerce son droit de refus, l’État requis a cependant le devoir d’en expliquer les raisons à l’État requérant.
Peut-on se transmettre toutes les informations en matière d’entraide judiciaire pénale ? Existe-il des limites ?
Souveraineté, moyens matériels, renforcement des capacités des acteurs, implication des plus hautes autorités de l’État.
Le premier défi à relever est que les États exercent leur pleine souveraineté sur leurs territoires. Sans présence de l’État, la Justice ne peut s’exercer.
Si une augmentation du recours à l’entraide pénale est un objectif souhaitable, elle reste difficile à atteindre dans un contexte où les Etats voient leur souveraineté disputée sur certaines parties de leur territoire. Elle suppose un investissement en terme de formation des prescripteurs d’entraide et de moyens matériels.
Les magistrats doivent également être appuyés en termes de moyens matériels : logiciels, ordinateurs, accès aux ressources documentaires, et protégés pour leur permettre de rendre une justice sereine. Les autorités judiciaires peuvent se trouver dans l’incapacité d’effectuer des demandes d’entraide, faute d’avoir l’identité exacte du mis en cause, ou d’avoir à disposition les pièces de procédure exploitables, ou encore, par manque d’accès à une base documentaire leur permettant de construire et acheminer leur demande.
L’entraide judiciaire pénale est pourtant un moyen efficace d’apporter une réponse commune et harmonisée aux défis sécuritaires de la zone.
Malgré les obstacles, le renforcement des liens entre les différentes autorités, la dotation de moyens équivalents, l’accès à des bases de données partagées, la facilitation des communications et du transfert des demandes sont des gages d’une solidarité nouvelle entre les autorités judiciaires et une réponse aux défis posés par la criminalité. Développer la connaissance réciproque conduit à accroître la confiance et contribue à asseoir l’État de droit dans la zone.
Il est important de renforcer les capacités des services responsables de l’entraide pénale et celle des acteurs de l’entraide. Renforcer les services signifie leur conférer un statut, une organisation interne en phase avec les nécessités et les cadres légaux de chaque pays. Cette organisation permet de répondre aux besoins d’une transmission par la voie judiciaire des demandes d’entraide ou par voie administrative via les autorités centrales.
Parce que l’entraide reste une affaire qui intéresse les plus hautes autorités de l’État et que la règle est de désigner une « autorité centrale », la création d’un BEPI, de préférence au sein du Ministère de la Justice doit être soutenue quand celui-ci n’existe pas encore.
Renforcer les capacités des acteurs et assurer une communication fluide est également une condition du succès de la démarche. A cet égard, assurer des formations communes permettant de mettre les acteurs à niveau, de les faire se connaître, créer un réseau de communication et d’échanges d’information, une banque de données accessible à tous, sont des conditions de pérennisation corollaires des réformes organisationnelles susceptibles d’être entreprises.
Merci à Loïc Guérin, notre expert juridique pour sa contribution.
Les principaux thèmes concernés par l’Entraide Pénale Internationale dans la région sont :
- Le terrorisme à 35%
- La corruption et le blanchiment d’argent à 10%
- L’escroquerie à 30%
- Les viols et infractions sexuelles à 20%
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